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Le XVIème siècle est un siècle de transition à bien des égards.

La Renaissance se termine et l’avenir est incertain ; l’Humanisme n’est plus à même d’apporter ses réponses optimistes et le scepticisme emplit les esprits : Aucun homme n’a su, ni ne saura rien de certain écrit Montaigne, traduisant ainsi le désarroi de ses contemporains. Jusqu’alors, l’Église fournissait toutes les réponses aux angoisses des fidèles et dispensait aux croyants les moyens d’obtenir le salut. Mais devant les mutations nombreuses qu’il doit subir (moyens techniques, nouveaux courants d’échange, rencontre des autres mondes), l’homme du XVIème siècle se met à douter, s’interroge sur sa relation avec Dieu. Les idées nouvelles de la Réforme, largement diffusées grâce à l’imprimerie, veulent le rasséréner : liberté et confiance, tel est le message proclamé par Martin Luther.

Comment un tel message de libération a-t-il pu basculer dans le sang et les larmes ? Parce que la tolérance n’était pas concevable : pour des raisons politiques d’abord, le principe "un roi, une loi, une foi" ne pouvait être remis en cause. Mais surtout, tolérer était mettre en question ma propre religion, et c’était donc menacer mes convictions, mes valeurs et par là même, ma vie entière.

La lutte va ainsi s’organiser : après l’apport de Luther et Zwingli, Jean Calvin organise le protestantisme réformé et fournit à la fois un exposé doctrinal global et une organisation opérationnelle efficace. De son côté, l’Église catholique ressent le besoin de revenir à l’idéal chrétien, réforme ses pratiques, institue de nouveaux ordres comme la Compagnie de Jésus. La lutte s’installe dans le nord de l’Europe : pendant quarante ans, le France va se déchirer jusqu’au massacre de la Saint Barthélémy dont l’horreur même contribuera à faire naître un nouveau courant de pensée plus tolérant qui, au fil des ans, va faire accepter l’idée de l’existence de deux confessions au sein d’un même royaume. En Angleterre, les Trente-neuf articles adoptés par les évêques confirment une orientation calviniste. L’excommunication par Pie V d’Elisabeth, la guerre avec l’Espagne, les intrigues de Marie Stuart pour conquérir le trône entraînent également l’Angleterre dans la spirale de la persécution religieuse.

Ces troubles allaient se poursuivre, au siècle suivant, par le démantèlement du Saint Empire Romain de la nation germanique : la Guerre de trente ans, avec son cortège d’horreurs et de massacres, fut la dernière guerre de religion de l’Europe occidentale.



Le contexte artistique

L’année 1545 voit l’ouverture du Concile de Trente. Pour lutter contre la Réforme, ce Concile, outre les importantes orientations dogmatiques qu’il prononce, va tenter de faire naître une nouvelle esthétique et la propaganda donne aux artistes un objectif : être des prédicateurs efficaces de la foi, émouvoir et bouleverser les âmes des fidèles.

L’Espagne est la première à suivre la voie de la Contre Réforme. Les Jésuites définissent un nouvel art chargé avant tout d’exprimer la magnificence de l’Église et son triomphe sur l’hérésie. Après l’apogée de son influence sous les règnes de Philippe II et Philippe III, l’Espagne, un siècle plus tard, épuisée par les guerres, va s’appauvrir, se fragiliser et la dernière flambée mystique et maniériste du Greco disparaîtra bientôt, remplacée par le naturalisme de Velasquez ou le réalisme de Ribera, sous l’influence italienne du Caravage.

En France, à la fin du XVIème siècle, Henri IV va imposer une volonté politique forte en matière artistique : aide à l’artisanat, développement des corporations, création de manufactures, urbanisation de Paris, développement des grands chantiers royaux comme le Louvre ou Fontainebleau. Une conception moderne de l’architecture est en train de naître, avec un goût prononcé pour la simplicité géométrique, loin de l’excessive ornementation italienne. Cette conception ouvre la voie du classicisme français qui se répandra en Europe au siècle suivant. Mais, pour ne pas sombrer dans un académisme austère, le classicisme français puisera aux sources du baroque et inventera perspectives, art des jardins, jeux d’eau, reflets à l’infini de la galerie des glaces du château de Versailles. En peinture, le post-maniérisme de la deuxième école de Fontainebleau va être supplanté par le renouveau de la peinture avec Simon Vouet qui allie le naturalisme flamand de Pourbus au réalisme italien du Caravage.

C’est bien sûr l’Italie qui va inspirer le développement artistique de l’Europe. Vingt ans avant l’ouverture du Concile de Trente, Michel Ange témoigne déjà de l’évolution artistique. Alors que la Renaissance, claire et rationnelle, découpe l’espace en volumes stables, simples et harmonieux, il introduit le mouvement dans ses compositions ; les toits des chapelles vont bientôt s’ouvrir sur des ciels nuagés, le regard va se perdre à l’infini dans les coupoles en trompe l’œil à la recherche de Dieu.

Comme on l’a vu plus haut, l’intérêt porté à l’homme et à la nature rompt avec l’attitude des Humanistes : l’homme n’est plus un idéal de perfection inspiré de l’Antique, mais un être en proie à un conflit de forces et d’idées souvent contradictoires. La dualité s’installe : l’homme tente de réconcilier sa nature divine et sa nature humaine, la main de Dieu ne fait qu’effleurer la main de l’homme sur les fresques de la chapelle Sixtine. Le cercle parfait va devenir ellipse imparfaite, ambivalente. La théâtralité, la scénographie vont envahir l’architecture et la sculpture.

A la fin du XVIème siècle, la rupture va se faire avec les formes désormais vides du maniérisme tardif et deux villes vont en être le symbole : Bologne et Rome.

Bologne s’affirme avec les Carrache sans toutefois bouleverser les valeurs traditionnelles. L’idéal classique n’est plus poursuivi de façon abstraite et ce nouveau naturalisme classique est en contact direct avec la réalité du monde, des hommes et de la nature.
Rome est, quant à elle, le centre d’attraction irrésistible pour les artistes européens. Elle accueille, en 1589, Le Caravage qui va bouleverser, bien plus que les Carrache, les valeurs de l’idéal classique. Toute son attention va se porter sur la réalité, saisie dans son aspect le plus terrestre, telle qu’elle apparaît dans la lumière. Même les scènes religieuses vont être représentées comme des scènes de la vie quotidienne. Ce naturalisme révolutionnaire et cette vision pré-baroque de l’utilisation de la lumière se ressentiront longtemps, de La Tour à Vermeer, dans la peinture européenne.

Dans cette évolution des arts et des idées, la musique tarde à se rénover : il faut dire qu’il n’est pas aisé de quitter l’Ars perfecta, aboutissement de plus d’un siècle de technique harmonique. Peu à peu la polyphonie va s’effacer devant la voix soliste, les mélodies vont s’ornementer, la complexité des accords va donner aux œuvres leur part d’ombre. À la fin de la dernière année de ce XVIème siècle, l’opéra voit le jour à Florence, mais les livrets qu’il traite se réfèrent à l’Antiquité : le maître de la monodie n’est-il pas Orphée ? Genre musical baroque par excellence, ce n’est que bien plus tard que l'opéra parviendra à se libérer des thèmes conventionnels de la mythologie pour traiter des drames et des émotions quotidiennes de l’humanité.


Daniel & Martine MOREL

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